Difficultés face au dossier d'accompagnement de l'élève
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos des difficultés des équipes pédagogiques face au dossier d'accompagnement de l'élève (DAccE)
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Lors de mes rencontres de terrain, beaucoup de directions, mais aussi d'enseignants, me font part de la charge administrative croissante qui pèse sur eux, notamment face au dossier d'accompagnement de l'élève (DAccE).
Pour rappel, un bilan de synthèse doit être complété pour les élèves de la première année maternelle à la quatrième année primaire qui présentent des difficultés d'apprentissage persistantes. Pour rédiger un bilan de synthèse, trois périodes d'encodage sont prévues sur l'année scolaire: en novembre, en mars et en juillet.
Tout d'abord, il me revient que l'application du DAccE ferait l'objet de nombreux bugs informatiques, ce qui engendre énervement et perte de temps pour les enseignants et pour les directions auxquelles les enseignants viennent demander de l'aide, tant pour des problèmes informatiques que pour des questions de fond et de contenu. Or les directions disent ne pas en savoir plus que les enseignants à ce sujet.
Ensuite, il semblerait que la formation au DAccE n'ait pas pu être suivie par tous les enseignants. Sauf erreur, la formation a eu lieu en ligne sous forme de webinaire. Or les enseignants auraient voulu être formés en présentiel à la manipulation de cette plateforme. D'autres enseignants ne sont pas au courant que des webinaires ont été organisés.
Par ailleurs, il me revient encore que le DAccE alourdit la charge de travail des directions puisque repose sur celles-ci l'obligation d'informer les parents, de les accueillir pour ceux qui demandent à le consulter sur un ordinateur de l'école, et de gérer les demandes de conciliation lorsqu'un parent est en désaccord avec le commentaire d'un bilan de synthèse. À cet égard, les équipes pédagogiques regrettent qu'une fois de plus le dernier mot revienne aux parents, alors que ce sont elles les professionnelles.
Enfin, dans la circulaire 9159 du 15 février 2024, il a été demandé aux directions de distribuer un document «tout-cartable» aux élèves. Cette situation a mis mal à l'aise certaines directions, car, je cite l'une d'entre elles, «il s'agit d'un document politisé à distribuer à tous les parents alors que ce n'est pas du tout représentatif de ce que nous, les équipes, vivons au quotidien».
Le DAccE a donc engendré un stress important à la veille des derniers congés scolaires de février, avec la date butoir du 15 mars 2024 pour compléter le deuxième bilan de synthèse.
Madame la Ministre, que répondez-vous aux directions et enseignants à ces différents égards? Je vous ai d'ailleurs envoyé le mail de cette directrice qui m'a interpellée juste avant les vacances, mais je n'ai pas eu de réponse.
En quoi consistent les bugs informatiques récurrents et seront-ils résolus à court terme?
Combien d'enseignants et de directions ont suivi la formation DAccE en ligne? Combien n'ont pas pu la suivre? Une formation au DAccE en présentiel sera-telle organisée pour l'ensemble des équipes éducatives qui souhaitent la suivre? Dans l'affirmative, quand?
Un allègement de la charge de travail reposant sur les directions par rapport au DAccE, et notamment par rapport à leurs obligations vis-à-vis des parents, est-il prévu?
Avez-vous reçu d'autres retours négatifs en ce qui concerne le document «tout-cartable» à distribuer à ce sujet? Lesquels?
De manière générale, des améliorations et simplifications seront-elles apportées au DAccE avant la troisième et dernière période d'encodage des bilans de synthèse de juillet, qui s'ouvre le 3 juin prochain?
Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation. – Madame la Députée, l'arrivée du DAccE s'inscrit au cœur de la nouvelle approche évolutive des apprentissages prévue par le Pacte pour un enseignement d'excellence. Il était d'ailleurs souhaité par toutes les composantes de la majorité, qui y voyaient un outil crucial pour atteindre les objectifs du Pacte. Je me rappelle d'ailleurs que vous avez, à plusieurs reprises, trouvé que je n'avançais pas assez vite dans ce dossier.
Le DAccE est en effet le socle commun à toutes les écoles, enseignants et familles qui assurent, dans le respect de la protection des données, le suivi des apprentissages tout au long du parcours scolaire d'un élève. Il est entré en vigueur après deux ans d'attente et son utilisation a été tout particulièrement préparée.
Des séminaires ont été organisés à vingt dates différentes. Un webinaire est toujours disponible en ligne. Il permet à tous les enseignants de s'informer sur l'utilisation de cet outil numérique. Des capsules vidéo sont aussi disponibles, de même qu'un guide d'utilisation. Un helpdesk est à disposition des équipes pour répondre à leurs questions et les accompagner.
Les difficultés
informatiques dont j'ai connaissance concernent principalement les conditions
d'accès à l'application. Cet accès est lui-même lié aux autorisations que les
pouvoirs organisateurs et les délégués doivent activer pour les enseignants.
Cela se réalise par l'application MODE pour laquelle, là encore, une série
d'outils a été développée pour faciliter son utilisation. Malheureusement, ces
accès n'ont pas toujours été activés.
Concernant le
document «tout-cartable», il s'agit du même courrier que celui qui a été
communiqué par la circulaire de rentrée et qui chargeait déjà les directions
d'école d'informer les parents de l'existence du DAccE et de ses objectifs. Le
texte est strictement informatif. Je vous invite à le lire: il ne contient
absolument aucun propos politique. Madame Cortisse, je m'insurge vraiment
contre ce que vous essayez de faire entendre. Il ne s'agit de rien de plus que
de rappeler à chaque partie prenante dans quel cadre légal le suivi des
apprentissages s'opère. C'est d'ailleurs un courrier signé par le directeur
général de la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO). Si le
texte a dû être rappelé, c'est précisément parce que trop de parents n'ont
manifestement pas été informés. Or vous serez d'accord avec moi qu'il est
absolument important que les parents aient une information la plus complète possible.
Je suis tout à fait
consciente des changements majeurs qui sont intervenus dans le système scolaire
ces dernières années et du poids que ces nouveautés peuvent représenter pour
les équipes qui doivent s'adapter. Je sais tous les efforts qu'elles entreprennent
en ce sens et je tiens, encore une fois, à les saluer et à les remercier pour
cela.
Je tiens à rappeler
que dans la construction de l'outil DAccE, nous avons poussé au plus loin
l'exercice de concertation pour simplifier les démarches administratives et
limiter au strict nécessaire les éléments à remplir par les équipes éducatives.
Cette concertation a été menée avec les acteurs institutionnels de
l'enseignement en s'appuyant sur plusieurs tests avec des panels
d'utilisateurs.
Le DAccE impose
évidemment une charge de travail. Personne ne peut le nier. Tous les députés
qui l'ont voté en étaient d'ailleurs pleinement conscients. Cependant, la tâche
consiste essentiellement à y consigner les difficultés d'apprentissage des
élèves qui rencontrent des problèmes et les solutions proposées pour y
remédier. C'est donc une tâche qui fait pleinement partie des missions de
l'enseignant et pour laquelle il est désormais simplement prévu de recourir à
un nouveau support standardisé et systématique. C'est aussi un support sur
lequel les écoles peuvent faire reposer de façon objective les informations
qu'il s'agirait de partager avec les familles pour faciliter le dialogue. Il
faut surtout se donner le temps de son appropriation par les équipes et les
familles. Il faut aussi continuer à travailler, comme prévu, à son
interopérabilité avec les systèmes dont certaines écoles s'étaient déjà dotées.
Mme Stéphanie
Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je constate,
depuis un certain temps, un changement de ton dans vos réponses – peut-être
cela s'explique-t-il par l'approche des élections. J'ai toujours été très
honnête dans mes questions. Or vous m'attribuez des propos qui ne sont pas les
miens, mais ceux des acteurs de terrain. Je n'ai même pas reçu le document
«tout-cartable» dont il est question; je n'ai fait que vous transférer le
courriel rédigé par la directrice qui le juge politisé et relève tous les
autres problèmes que je viens de soulever. N'ayant pas reçu de réponse à ce
courriel, j'ai décidé de vous poser une question orale. Quel est le travail
d'un parlementaire s'il ne consiste pas à transmettre des problèmes rencontrés
sur le terrain?
Ce n'est pas non
plus parce que nous avons voté des réformes durant la présente législature que
nous ne pouvons pas vous faire part des difficultés dans leur mise en œuvre,
afin de les améliorer. Nous le faisons régulièrement au sujet des pôles
territoriaux; pourquoi cela ne serait-il pas possible avec le DAccE?
Nous avons toujours
soutenu l'objectif louable du DAccE, qui est d'assurer un meilleur suivi et un
soutien à la réussite des élèves en difficulté tout au long de leur scolarité
afin de réduire le redoublement et renforcer le dialogue entre les acteurs de
l'école et les parents. S'agissant d'un dossier important, je vous ai
interrogée à ce sujet dès le début de la législature.
Cependant, l'avis n°3
du Pacte prévoyait des balises, que je vous ai rappelées lorsque nous avons
voté le texte. Il convient en effet de se pencher sur les conséquences de la
systématisation du DAccE sur l'organisation et la charge de travail. J'ai
attiré votre attention sur ce point quand nous avons débattu du projet de
décret en commission le 15 mars 2022 et je vous ai fait part de mes inquiétudes
au sujet des nombreux bugs informatiques survenus lorsque vous nous aviez
présenté l'outil le 13 décembre 2021. Vous m'aviez répondu qu'il s'agissait
d'un problème de connexion isolé et qu'aucun souci n'avait eu lieu lors des
tests de présentation avec les acteurs de terrain. Vous aviez ajouté que les
tests usagers réalisés en 2019 avaient démontré le peu de temps nécessaire –
moins de dix minutes – pour l'encodage d'un bilan de synthèse. Or force est de
constater, selon certains acteurs, que ce n'est pas toujours le cas. Il est
donc indispensable d'améliorer l'outil et de diminuer la pression ressentie par
les équipes éducatives.