Intervention sur la proposition de décret portant des dispositions complémentaires aux rythmes scolaires
Intervention de Mme
Stéphanie Cortisse sur la proposition de décret portant diverses dispositions
complémentaires à la réforme des rythmes scolaires (doc. 508 (2022-2023))
Mme Stéphanie
Cortisse (MR). – On en parlait depuis 30 ans, et le 31
mars 2022, nous avons adopté le décret relatif à l'adaptation des rythmes
scolaires annuels dans l'enseignement fondamental et secondaire ordinaire,
spécialisé, secondaire artistique à horaire réduit et de promotion sociale.
M. Di Mattia a très bien expliqué hier en Commission l'objet de la présente proposition de décret, visant à adopter quelques dispositions complémentaires – comme l'adaptation calendaire des dispositions préexistantes, l'adaptation du régime de congé des personnels de l'inspection et coordinateurs des centres d'éducation et de formation en alternance (CEFA) ou encore des adaptations par rapport au classement des personnels en vue de leur nomination.
Je n'y reviendrai pas aujourd'hui et je profiterai de mon intervention, comme hier, pour élargir le débat et revenir sur plusieurs points importants relatifs au suivi de la réforme des rythmes scolaires.
Comme je l'ai dit hier, à l'occasion de mes nombreuses rencontres de terrain, beaucoup d'acteurs me disent attendre que cette année scolaire soit entièrement écoulée pour donner un avis sur les effets de cette réforme. Toutefois, j'ai déjà quelques premiers retours très positifs. Beaucoup de parents, de directions et d'enseignants estiment que cette réforme est bénéfique, tant pour les élèves – c'est bien l'objectif premier de la réforme – que pour les enseignants eux-mêmes, qui arrivent mieux à se ressourcer avant chaque rentrée. Des enseignants mieux ressourcés, cela signifie un meilleur apprentissage, ce qui est aussi bénéfique pour les élèves.
Comme rappelé dans le rapport oral, les acteurs ont cependant soulevé un petit bémol. Des enfants, souvent de familles plus précarisées, ne sont pas stimulés pendant les vacances par des stages ou d'autres activités, alors que les stages ont été renforcés. Selon certains enseignants et directions, il est plus difficile de remettre ces enfants dans le bain à la rentrée après deux semaines de congé. Toutefois, ces mêmes enseignants disent constater la même chose après une semaine de congé, forcément aussi après deux mois de congé, et même parfois après un weekend, selon que l'enfant soit chez sa mère ou son père en fonction de la garde pour les parents séparés. Si ce n'est donc pas une problématique propre à ces deux semaines, cela reste toutefois un problème important, d'autant plus dans les familles où le français n'est pas la langue parlée à la maison. Le rapport oral comprend une petite erreur à mon sens: il ne s'agit pas de mon conseil, mais du conseil des professionnels de l'enseignement, qui consiste à encourager tous les enfants à s'adonner à la lecture pendant leurs congés. Et ils insistent, car la lecture contribue à les «accrocher» pendant les congés.
L'offre de stages a été renforcée. Je rappelle l'existence de l'opération «Plaisir d'apprendre». Les communes qui l'organisent l'apprécient beaucoup. Elles sont malheureusement trop peu nombreuses à y participer. Je profite de mon intervention pour rappeler que cette opération permet aux jeunes en difficulté de bénéficier de remédiations pendant les congés, couplées à des activités sportives et culturelles. C'est là que la formule «Plaisir d'apprendre» prend tout son sens.
Par ailleurs, de
nombreuses écoles de l'enseignement secondaire, voire de l'enseignement
fondamental, disent regretter une des modalités de la réforme reprise dans
l'article 5 du décret qui porte sur l'interdiction de procéder à des
évaluations sommatives, ou cotées, dans les cinq jours ouvrables qui suivent la
fin de chaque période de congé. Les acteurs de terrain font valoir que c'est
dommageable pour les élèves qui, en l'absence d'évaluation cotées pendant trois
semaines de suite, décrochent. Le principal problème est que les élèves sont
bombardés d'interrogations la quatrième semaine qui suit le début des vacances.
Madame la Ministre, ce problème avait déjà été soulevé après les deux semaines
de congé d'automne. Vous aviez précisé lors de la réunion du 14 novembre 2022
de notre commission que l'objectif du décret n'était pas d'interdire les
devoirs, ni certainement la lecture, ni les évaluations formatives. Pour le
constater sur le terrain, mon groupe et moi-même estimons qu'il est nécessaire
de rappeler ce principe aux écoles à l'occasion des prochains congés de printemps.
Il faudrait leur envoyer une circulaire rappelant l'interdiction des
évaluations cotées, mais insistant sur les devoirs, la lecture, et les
évaluations formatives. Je vous vois acquiescer, Madame la Ministre, et je vous
en remercie.
En outre, la principale
crainte relative à cette réforme est la désynchronisation des calendriers
scolaires entre les différentes Communautés de notre pays, pour les familles
qui scolarisent leurs enfants dans deux Communautés différentes ou pour les
enseignants flamands et germanophones qui travaillent en Fédération
Wallonie-Bruxelles et n'ont donc pas tous les mêmes congés que leurs propres
enfants en âge d'obligation scolaire. À cet égard, Madame la Ministre, il
serait intéressant d'objectiver le nombre d'enseignants flamands et
germanophones qui auraient quitté leur emploi en Fédération Wallonie-Bruxelles
à la suite de la réforme des rythmes scolaires. Quoi qu'il en soit, le
gouvernement a décidé de poursuivre les discussions entamées avec les autres
Communautés dans l'objectif d'harmoniser, à terme, les rythmes et les
calendriers dans chaque Communauté. Je peux affirmer aujourd'hui que le Ministre-Président,
Pierre-Yves Jeholet, abordera d'ailleurs à nouveau ce point lors d'un prochain
Comité de concertation (Codeco), dans le but d'évaluer l'avancement de
l'alignement entre les Communautés. Il faut continuer à travailler pour faire
converger les rythmes scolaires dans chacune des Communautés. Nous pouvons être
fiers d'être des précurseurs dans ce domaine, puisque c'est pour le bien-être
des enfants. Espérons cependant que les autres Communautés nous rejoignent dans
cette réforme et continuons à travailler en ce sens.
Par le dépôt
d'amendements, Les Engagés demandent, pour les quatre prochaines années, de
déroger au principe de l'alternance 7-2, à savoir sept semaines de cours suivis
de deux semaines de congé, en permettant des périodes de cinq à onze semaines
de cours, ce qui revient à détricoter la réforme. Nous avions déjà eu ce débat
il y a un an. La réponse est la même aujourd'hui: accepter cette demande
reviendrait à détourner totalement la philosophie du décret et les bénéfices de
la réforme. Je rappelle qu'elle se base sur une étude de la Fondation Roi
Baudouin (FRB) et sur l'avis d'experts de l'enfance, qui recommandent des temps
de cours et de congés mieux structurés. En vue d'une amélioration du bien-être
des enfants, on se calque sur leur rythme biologique et on vise une
amélioration de leurs apprentissages. Cette réforme, c'est assez rare pour le
souligner, a été adoptée pour le bien-être des enfants et pas pour faciliter
l'organisation des congés ou des vacances de certains parents. C'est l'intérêt
de l'enfant qui est au centre de la réforme, même si, malheureusement, cela
entraîne des difficultés dans certaines familles.
Concernant
l'enseignement supérieur, mon groupe se réjouit du débat actuellement en cours
au sein de l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur (ARES). Le but
est d'atteindre un large consensus parmi les acteurs de terrain. C'est tout
l'enjeu de la phase de consultation qui est en cours et de l'avis attendu prochainement
de l'ARES. Mon groupe espère vivement qu'un accord puisse être trouvé pour
réformer les rythmes académiques, afin de mieux les faire coïncider avec les
rythmes scolaires de l'enseignement obligatoire, toujours dans le souci du
bien-être des étudiants de l'enseignement supérieur.
Par ailleurs, mon
groupe tenait particulièrement au maintien du nombre de 182 jours scolaires
obligatoires, même s'il peut osciller entre 180 et 184 jours. Le décret ne
remet pas en cause ces balises, contrairement à d'autres scénarios qui avaient
été évoqués et selon lesquels on aurait perdu 5 à 10 jours de cours ce qui, à
nos yeux, n'était pas acceptable. De même, nous avons sollicité et obtenu une
diminution des jours blancs, ce qui est une bonne chose.
Nous nous
réjouissons également du renforcement prévu du contrôle de l'obligation
scolaire au début et à la fin de l'année, lors des premières années de mise en
œuvre de la réforme, avec des sanctions expressément prévues pour les écoles
qui violeraient le décret. Un rapport de suivi est normalement prévu en octobre
prochain, afin de vérifier les règles applicables et le respect de l'obligation
scolaire. Toutefois, Madame la Ministre, j'aimerais attirer votre attention sur
un point. Lors de mes rencontres de terrain, certaines directions et certains
enseignants m'ont dit avoir été prévenus par de nombreux parents qu'ils ne
mettraient pas leurs enfants à l'école durant la première semaine de juillet
parce qu'ils partaient en vacances. Peut-être est-ce lié au fait que c'est la
première année de mise en œuvre de la réforme, mais je pense qu'il faudra
renforcer les contrôles sur le terrain pour s'assurer que tous les enfants en
âge d'obligation scolaire continuent de fréquenter l'école jusqu'au 7 juillet
2023. On l'a dit, l'objectif de la réforme était de mieux structurer les
périodes de cours et les périodes de congés, mais certainement pas de perdre
des jours d'apprentissage. Une autre crainte qui m'a été rapportée concerne le
recensement des absences injustifiées; il faudra vérifier que toutes les écoles
le mettent en œuvre.
Le dernier point
concerne les mouvements de jeunesse. Les chiffres dont je dispose indiquent
qu'au début du mois de février, 424 groupes, donc 17 300 jeunes, cherchaient
encore un endroit de camp, dont 242 bâtiments. Je le rappelle, 1,5 million
d'euros a été dégagé par le gouvernement en 2022, mais aussi en 2023, pour
renforcer l'offre d'endroits de camps. Un soutien supplémentaire a également
été apporté à l'ASBL Atouts Camps et à l'action sportive locale. La Ministre
Glatigny a multiplié les démarches afin d'aider au mieux le secteur de la
jeunesse et le secteur sportif à s'adapter à cette réforme qui bouleversait
tous les secteurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je tiens aussi à
rappeler les initiatives prises par le Ministre-Président, qui visent à
mobiliser les gouverneurs des provinces pour trouver des solutions
complémentaires. De plus, Madame la Ministre, avec votre collègue le Ministre
Daerden chargé des bâtiments scolaires, vous deviez mobiliser les écoles pour
qu'elles prêtent leurs locaux et leurs terrains afin de proposer plus
d'endroits de camps. Mon groupe regrette que, bien que vous ayez envoyé une
circulaire en ce sens le 22 juin 2022 – qui a ensuite fait l'objet de deux
rappels – seules 30 écoles supplémentaires, sur plus de 2 500 dans toute la
Fédération Wallonie-Bruxelles, se sont manifestées. Nous vous demandons donc de
continuer à demander aux écoles de se mobiliser, car les jeunes qui sont dans
les mouvements de jeunesse sont élèves dans ces écoles. Tout le monde doit
contribuer à l'effort collectif.