La gratuité des fournitures scolaires
Intervention de la Députée Stéphanie Cortisse (MR), sur la proposition de résolution du PS relative à la poursuite des politiques de renforcement progressif de la gratuité scolaire
Mme Cortisse n'est pas étonnée que la première proposition du Parti Socialiste de cette législature en ce qui concerne l'enseignement obligatoire, concerne la « gratuité : la gratuité, une obsession qui relève plus du dogmatisme, voire d'une religion, plutôt que du pragmatisme et de la bonne gouvernance.
La députée rappelle tout d'abord que l'article 24, §3, de la Constitution prévoit que c'est « l'accès à l'enseignement » qui est « gratuit jusqu'à la fin de l'obligation scolaire ». Le groupe MR est évidemment un ardent défenseur du principe constitutionnel de la gratuité de l'accès à l'enseignement, comme corrélatif du principe de libre choix des parents : les écoles de l'enseignement organisé ou subventionné par la Fédération Wallonie-Bruxelles ne peuvent réclamer aucuns frais d'inscription. Pour autant, leur position n'induit pas la multiplication des mesures de gratuité afférentes aux activités et aux services proposés par les établissements scolaires.
Son groupe rejette le principe selon lequel « la gratuité des fournitures scolaires est un droit fondamental de l'enfant ». Elle estime qu'il s'agit d'une interprétation partisane et partant non fondée du prescrit constitutionnel qu'elle vient de rappeler. Cette rhétorique est une boîte de pandore qui menace l'équilibre budgétaire déjà précaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et entretient le mythe du gratuit qui a largement concouru à la situation budgétaire qui est connue. Faut-il qu'elle rappelle que le déficit se situe autour du milliard d'euros et que la dette dépasse les 11 milliards d'euros ?
Elle indiquera ensuite que rien n'est jamais « gratuit », au final il y a toujours quelqu'un qui paie l'addition, et c'est le contribuable.
Ensuite, on pourrait s'interroger sur la pertinence de grever le budget de l'Éducation avec des mesures généralisées de gratuité des fournitures scolaires. Compte tenu du contexte budgétaire très difficile de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce que personne ne peut nier, est-il opportun d'investir de nouveaux millions d'euros dans des plumiers garnis, plutôt que dans de l'encadrement par exemple ? La députée rappelle que la gratuité des fournitures scolaires de la M1 à la P3 représente déjà un budget annuel d'environ 24 millions d'euros. Il faut donc choisir ses priorités, et celle du MR c'est d'assurer un enseignement de qualité et d'instruire efficacement les élèves.
Son groupe assume l'héritage des extensions de la gratuité des fournitures scolaires décidées sous la législature précédente. Son groupe assume aussi les compromis difficiles de l'époque où il était en majorité avec deux partis de gauche. Pour autant, il n'a pas changé ses priorités en matière d'enseignement.
Par ailleurs, n'existe-t-il pas déjà une prime de rentrée scolaire (indexée) octroyée par les Régions dans le cadre des allocations familiales ?
Ces considérations étant faites, la députée signale que la Déclaration de Politique Communautaire, en d'autres termes l'accord de Gouvernement, prévoit expressément, elle cite, que « Le Gouvernement évaluera les mesures de gratuité relatives aux fournitures scolaires de la 1re maternelle à la 3e primaire et le cas échéant adaptera cette mesure. Il mènera en outre une enquête associant l'ensemble des acteurs et secteurs concernés sur le coût des voyages et sorties scolaires ».
Évaluer l'efficacité des politiques publiques avant de décréter, c'est ainsi que le nouveau Gouvernement MR-Engagés a décidé de fonctionner. Et Mme Cortisse estime avec son groupe qu'il en va de la responsabilité des élus, plutôt que de foncer tête baissée, il faut prendre d'abord le temps d'évaluer.
Elle a entendu M. Casier dire qu'il fallait évaluer uniquement l'effectivité de ces mesures sans parler de leur efficacité.
Le groupe MR est donc en total désaccord avec la méthodologie de travail de la gauche qui est illogique, prématurée et qui s'inscrit totalement en porte-à-faux des principes de la bonne gouvernance. Elle privilégie donc le choix de la majorité de « décisions éclairées » à prendre le cas échéant à terme, sur la base d'informations objectives et pertinentes, plutôt que le scénario des « évaluations alibis ». Cela a été dit, l'heure est à la rupture.
Objectiver, évaluer et faire respecter ce qui existe avant de prendre d'autres mesures : trois piliers de la saine gestion des deniers publics et de la bonne gouvernance qui sont au cœur du mandat très clair donné par les électeurs à cette majorité.
Il faut également entendre l'avis des acteurs de terrain. C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait personnellement dans le cadre de sa tournée des 150 écoles de l'arrondissement de Verviers sous la précédente législature, de laquelle elle a sorti un rapport qu'elle n'a pas manqué d'adresser à tous les partis démocratiques de cette assemblée. Elle en donne d'ailleurs les extraits au sujet de la gratuité :
« Plusieurs répondants s'étonnent des moyens budgétaires conséquents investis dans la gratuité au détriment d'autres mesures comme l'encadrement, la taille des classes, l'octroi d'une puéricultrice par implantation maternelle, l'octroi d'un éducateur dans les écoles fondamentales ou encore l'octroi d'une aide administrative supplémentaire. Certains considèrent ces mesures comme un flicage, un manque de confiance envers l'équipe éducative.
En primaires, la gratuité des fournitures scolaires de la P1 à la P3 est souvent critiquée par les répondants. Ils regrettent que cela soit à présent aux équipes éducatives de faire les achats, de les déballer avant la rentrée, de gérer les plumiers des élèves. Cela leur donne une mission supplémentaire qui devrait relever du rôle des parents, ce qui les déresponsabilise une fois de plus. De plus, certains parents et élèves voudraient pouvoir acheter et amener leur propre matériel. Plusieurs répondants demandent que le plumier garni reste à l'école, afin de ne pas oublier certains outils à la maison. Certains ne fournissent pas un plumier à chaque élève, mais mettent le matériel à leur disposition en classe dans des boîtes. Certains soulignent l'absurdité de cette mesure de gratuité, car les élèves doivent quoiqu'il arrive acheter du matériel pour pouvoir faire leurs devoirs à la maison. Certains répondants sont offusqués de voir que la gratuité est octroyée aux élèves mais pas aux enseignants qui doivent eux-mêmes acheter leur matériel. Plusieurs soulignent qu'il existe déjà les allocations familiales et la prime de rentrée pour les parents qui devrait servir à cela. Certains se demandent pourquoi une telle mesure a été généralisée à toutes les écoles plutôt que de la cibler sur les établissements à indice socio-économique plus faibles. Les seuls points plus positifs mis en avant par quelques répondants par rapport à cette mesure de gratuité sont que cela évite une perte ou un oubli de matériel, cela évite certaines disputes entre élèves et il s'agit d'une mesure qui renforce l'égalité entre les élèves ».
Elle rappellera enfin les éléments de réponse suivants de Mme la Ministre Glatigny aux questions orales portant sur le sujet de la gratuité en Commission de l'Éducation du 9 septembre dernier. Elle précise avoir rencontré la Ligue des familles à ce sujet et devoir encore échanger avec la Coalition des parents de milieux populaires. Elle ajoute que l'évaluation consistera à « porter une appréciation sur la valeur d'une politique au regard d'un certain nombre de critères tel que sa pertinence, son efficacité, son efficience, sa cohérence et sa capacité à répondre aux besoins qui l'ont fait naître et à remplir les objectifs fixés », ou encore que compte tenu de « la situation de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur le plan budgétaire », le Gouvernement « veut être sûr de bien atteindre sa cible » et que son « intention est de mesurer les effets d'une politique dans un objectif de bonne gouvernance, ce qui devrait être fait pour toute politique publique menée ».
Mme la ministre a encore précisé que « la DPC contient un nombre élevé de réformes et d'évaluations de dispositifs existants » et que le Gouvernement « travaille actuellement à une planification de ces dernières, dont celle relative à tous les dispositifs liés à la gratuité pour tous, afin de vérifier qu'ils atteignent bien leurs objectifs » et que « le Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire prévoit une évaluation par le gouvernement de la mise en œuvre des dispositions de la gratuité. Cette évaluation fera l'objet d'un rapport présenté au Parlement au cours de l'année 2024 ».
Au regard de l'ensemble des éléments précités, elle annonce que le groupe MR votera contre la présente proposition de résolution.
En réplique, Mme Cortisse regrette que ses propos aient été déformés de la sorte. Elle renvoie à sa première intervention et retient que lorsque le PS évalue une politique publique, il ne veut pas évaluer sa pertinence et son efficacité.
Elle
reconnaît comme le PTB l'a pointé qu'il ne s'agit pas que d'un débat
budgétaire, mais il s'agit aussi d'un débat idéologique. Son groupe n'a jamais
caché que les gratuités à tout va, n'existent pas.