Question à propos d'un ex-terroriste reconverti en entraîneur de football auprès de jeunes
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Valérie Glatigny, Ministre du Sport et des Maisons de Justice, à propos du programme de réinsertion des détenus par le football
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, un projet pilote de réinsertion des détenus par le football a été lancé en 2021 avec l'appui de l'Association des clubs francophones de football (ACFF). Au mois d'août 2022, quatorze détenus des prisons d'Ittre et de Beveren ont obtenu leur diplôme d'entraîneur. En 2023, seize détenus des prisons de Leuze et de Lantin participent au projet pilote.
Le 23 janvier dernier, la presse a rapporté qu'un des participants n'est autre qu'un détenu condamné pour avoir été membre de la cellule djihadiste de Verviers, démantelée en 2015 alors qu'elle était sur le point de commettre des attentats. Le détenu serait actuellement en stage pratique auprès de jeunes dans un club de football de la province de Liège.
Si la réinsertion socioprofessionnelle des détenus est essentielle, le présent cas pose question, puisqu'il s'agit d'un détenu condamné pour des faits de terrorisme dans un contexte de radicalisation.
Je vous avais interrogée lors de la séance plénière du 25 janvier 2023 afin de savoir quels étaient les critères utilisés par les prisons et l'administration pénitentiaire pour sélectionner les détenus qui participent au projet pilote. Je souhaitais ainsi comprendre pourquoi les auteurs de faits de mœurs et de certains faits liés à l'usage de stupéfiants en étaient exclus, et pas les auteurs de faits de terrorisme dans un contexte de radicalisation.
Vous m'avez répondu
avoir demandé au ministre qui a la tutelle sur les établissements
pénitentiaires de clarifier les modes de sélection des détenus et, en
particulier, les critères utilisés pour ce projet.
Avez-vous reçu une
réponse du Ministre de la Justice à ce sujet ? Quelle est-elle ? Le ministre
envisage-t-il d'exclure du projet pilote les détenus condamnés pour des faits
de terrorisme ?
Mme Valérie
Glatigny, Ministre du Sport et des Maisons de Justice. – Trois centres pénitentiaires participent actuellement à ce programme
en Fédération Wallonie-Bruxelles, à savoir les prisons de Lantin, de
Leuze-en-Hainaut et d'Ittre. Les groupes sont limités à douze personnes par
prison, afin de garantir aux participants une qualité de suivi et
d'apprentissage.
L'opération rencontre un vif succès, si bien que des détenus ont dû être inscrits sur des listes d'attente.
La formation débute
avec une partie théorique qui s'étale d'août à décembre. De janvier à mai, les
détenus effectuent leur stage en qualité d'entraîneur assistant dans un club, à
raison d'une fois par semaine.
La sélection des
stagiaires est effectuée par les directions des prisons. L'ACFF n'intervient
pas dans ce processus. Toutefois, elle a souhaité que les auteurs de faits de
mœurs ne puissent pas participer; cette demande semble légitime puisque les
stagiaires entrent en contact avec des jeunes. Il en va de même pour auteurs de
faits liés à l'usage de stupéfiants. C'est une mesure de prudence visant à
éviter qu'un détenu se présente sous l'emprise d'une quelconque substance.
Pour l'heure,
l'ACFF cherche des clubs de la Région bruxelloise qui seraient intéressés par
ce projet, en perspective de la participation éventuelle de la prison de Haren.
À la suite de la
parution d'un article de presse et de votre question en séance plénière, j'ai
interpellé le Ministre Van Quickenborne sur la participation de détenus
condamnés pour des faits de terrorisme. Une discussion sur le profil des
participants se tiendra prochainement entre les administrations concernées.
Depuis 2017, la
Fédération Wallonie-Bruxelles consacre 40 000 euros au soutien de projets
sportifs portés par nos fédérations ou leurs clubs au sein d'établissements
pénitentiaires. En 2022, douze projets ont été retenus dans les prisons
d'Ittre, de Lantin, de Leuze-en-Hainaut, de Marche-en-Famenne, de Saint-Gilles
et de Saint-Hubert, ainsi que dans les institutions publiques de protection de
la jeunesse (IPPJ) de Braine-le-Château, de Jumet et de Wauthier-Braine. Les
sports concernés par ces projets sont le football, le football en salle, le
hockey sur gazon, le multisports, le rugby, le volley-ball et le yoga.
Mme Stéphanie
Cortisse (MR). – Je vous remercie pour votre réponse,
Madame la Ministre. J'insiste sur le fait que la réinsertion
socioprofessionnelle des détenus est primordiale. Le programme de réinsertion
par le football est un très beau projet.
Cela tombe sous le
sens d'écarter les détenus condamnés pour des faits de mœurs. Écarter ceux
condamnés pour l'usage de stupéfiants est en effet une mesure de prudence. Dès
lors, les détenus condamnés pour des faits de terrorisme dans un contexte de
radicalisation devraient l'être également, puisque les participants au
programme sont en contact avec des mineurs, plus facilement influençables. La déradicalisation, pour
autant qu'elle soit possible, est une problématique très compliquée dans les
prisons belges.
Dès lors, les profils de ce type ne devraient pas bénéficier d'un programme de reconversion les mettant en contact avec des mineurs. Il existe assez de formations et de possibilités de réinsertion professionnelle, éventuellement vers un métier en pénurie, qui ne nécessitent pas de côtoyer des jeunes.
Mon collègue et député fédéral Mathieu Bihet a interrogé le Ministre de la Justice à la Chambre des représentants. La réponse de ce dernier ne m'a pas rassurée. En effet, le ministre a insisté sur les détenus condamnés pour des faits de mœurs ou liés à l'usage de stupéfiants, mais ceux condamnés pour des faits de terrorisme ne semblaient pas l'inquiéter. Mathieu Bihet ne manquera pas, dès lors, de revenir vers lui et je ne manquerai pas de suivre le dossier auprès de vous.