Question sur la représentation des élèves dans l'enseignement obligatoire
Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation, sur la représentation des élèves dans l'enseignement obligatoire.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame
la Ministre, le chantier n° 16 du Pacte pour un enseignement d'excellence
est consacré au renforcement de la démocratie scolaire et du bien-être à
l'école.
Dans la Déclaration de politique communautaire (DPC), le gouvernement prévoit de «permettre une participation des représentants de l'ensemble des élèves du degré supérieur de l'enseignement secondaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles aux travaux du comité de concertation du Pacte pour un enseignement d'excellence qui les concernent directement».
Dans son avis n° 3, le Groupe central s'est accordé, en son point OS5.5. intitulé «Renforcer la démocratie scolaire», sur la nécessité de «donner un cadre légal à l'existence des organisations représentatives des élèves, à l'instar de ce qui existe pour les associations de parents».
J'estime qu'une officialisation des organisations représentatives des élèves de l'enseignement obligatoire est nécessaire. En effet, s'il est important d'entendre les acteurs de l'enseignement comme les fédérations de pouvoirs organisateurs (PO), les syndicats représentant le personnel enseignant ou encore les fédérations de parents, il est également essentiel de se placer du point de vue des élèves, de les considérer comme des acteurs de l'enseignement à part entière et de leur permettre de faire entendre leur voix de manière officielle auprès du gouvernement ou encore dans les organes de concertation comme le comité de concertation du Pacte.
J'ai pu à cet égard rencontrer récemment un représentant du Comité des élèves francophones (CEF), constitué en ASBL depuis 2009 et agréé par la Fédération Wallonie-Bruxelles en tant qu'organisation de jeunesse depuis 2011. Cette organisation, qui se revendique comme étant un syndicat pluraliste des élèves francophones de secondaire en Wallonie et à Bruxelles, est demandeuse d'une reconnaissance officielle en qualité d'organisation représentative des élèves. Même si le CEF m'a précisé avoir de nombreux contacts avec votre cabinet et participer à des rencontres bilatérales avec les autres acteurs du monde de l'enseignement, il ne fait toutefois pas partie des organes de consultation officiels.
J'estime dès lors que nous devrions travailler sur un texte décrétal organisant la participation et la représentation des élèves de l'enseignement obligatoire, à l'instar de ce qui se fait dans l'enseignement supérieur par l'intermédiaire des organisations représentatives communautaires (ORC) depuis un décret du 12 juin 2003 remplacé par le décret du 21 septembre 2012 relatif à la participation et la représentation étudiante dans l'enseignement supérieur.
C'est un sujet sur lequel je travaille beaucoup au sein de la commission de votre collègue Valérie Glatigny, chargée de l'Enseignement supérieur. J'estime qu'il faudrait éviter de commettre les mêmes erreurs que lors de la rédaction du décret précité de 2012, comme l'absence de modalités de création et de disparition d'une ORC ou encore la définition de critères de représentativité trop exigeants ne permettant pas la coexistence de plusieurs ORC. Je rappelle que dans l'enseignement supérieur, depuis la disparition de l'Union des étudiants de la Communauté française (Unécof) en 2019, seule la Fédération des étudiants francophones (FEF) est reconnue comme ORC dans l'enseignement supérieur, ce qui la place dans une position de monopole pour représenter les étudiants du supérieur.
À mon sens, le décret à venir en ce qui concerne l'enseignement obligatoire devrait permettre non pas la création d'une seule ORC, qui se voudrait pluraliste, mais la création d'une pluralité d'ORC. Je pense en effet que les revendications des élèves sont plurielles et ne peuvent par définition pas être portées par la voix d'une seule organisation représentative. Toutefois, je ne pense pas qu'il faille se diriger vers la création d'une ORC par réseau, ce qui renforcerait le cloisonnement entre les réseaux, alors que nous sommes au contraire dans une optique d'ouverture.
C'est la raison pour laquelle, lorsque l'avis n° 3 du Groupe central précise vouloir donner un cadre légal à l'existence des organisations représentatives des élèves «à l'instar de ce qui existe pour les associations de parents», j'espère que cela fait référence à l'officialisation qui existe pour les associations de parents, mais pas à leur appartenance respective aux réseaux - la Fédération des associations de parents de l'enseignement officiel (FAPEO) pour l'enseignement officiel et l'Union francophone des associations de parents de l'enseignement catholique (UFAPEC) pour l'enseignement catholique.
Tout l'enjeu sera par ailleurs de définir adéquatement le mode d'affiliation des élèves à une ORC, afin d'éviter un système de grands électeurs comme cela se fait dans les établissements d'enseignement supérieur. Je rappelle qu'une fois élus, les conseils étudiants choisissent eux-mêmes de s'affilier à une ORC - la FEF, puisqu'elle est la seule à exister à ce jour - ou de devenir indépendants et donc non représentés. Pourquoi ne pas créer un système d'affiliation individuelle pour les élèves?
Enfin, un travail devrait être mené pour informer les élèves sur l'existence et l'utilité de ces ORC si elles devaient être créées dans l'enseignement obligatoire, et les inciter à s'y intéresser. Je pense au manque d'attrait dans l'enseignement supérieur pour les élections étudiantes.
Madame la Ministre, pourriez-vous me présenter l'état d'avancement des travaux du chantier n° 16 du Pacte par rapport à cette volonté, exprimée par le Groupe central dans l'avis n° 3 de «donner un cadre légal à l'existence des organisations représentatives des élèves»? D'autres organisations que le CEF se sont-elles déjà fait connaître auprès de vous et de votre cabinet dans le but d'être reconnues en tant qu'ORC? J'ai déjà posé la question au CEF, qui m'a répondu ne pas avoir connaissance d'autres organisations qui se revendiquaient syndicat des élèves.
Une base décrétale en vue de la création d'ORC dans l'enseignement obligatoire est-elle en phase de rédaction? Si oui, quels acteurs allez-vous consulter dans ce cadre? Pourriez-vous nous présenter un agenda?
Sachant que votre collègue, la ministre Valérie Glatigny, a récemment mandaté l'administration de la Direction générale de l'enseignement supérieur et l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur (ARES) pour évaluer le décret de 2012 organisant la représentation étudiante dans l'enseignement supérieur, vous concerterez-vous avec elle afin de mettre en commun vos constats et réflexions, puisque certaines dispositions similaires pourraient être adoptées dans l'enseignement supérieur et dans l'enseignement obligatoire en ce qui concerne les ORC? Comme je l'ai dit, nous devons éviter de commettre les mêmes erreurs qu'en 2012 dans l'enseignement supérieur.
Enfin, pour quelles raisons la DPC limite-t-elle la participation des représentants des élèves au «degré supérieur de l'enseignement secondaire»? Qu'en est-il du degré inférieur du secondaire, voire des élèves du fondamental qui pourraient aussi avoir leur avis à donner?
Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation.- Madame la Députée, dans le cadre du chantier, les travaux sur la démocratie scolaire s'articulent en deux volets. D'une part, l'amélioration et la clarification du cadre relatif à la démocratie scolaire, c'est-à-dire dans l'école, afin de rendre ce cadre légal effectif. En effet, force est de constater qu'il n'est pas encore mis en place dans toutes les écoles. D'autre part, la création d'une organisation représentative des élèves au niveau du système. À ce stade, nous analysons les différentes modalités de création d'une organisation représentative des élèves.
Les travaux ont été entamés et des dispositifs participatifs associant les élèves ont été menés et sont encore en cours.
Vous évoquez la récente demande de ma collègue Valérie Glatigny auprès de l'Administration de l'enseignement supérieur et de l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur (ARES) au sujet de l'évaluation du décret du 21 septembre 2012 relatif à la participation et la représentation étudiante dans l'enseignement supérieur. Précisons ici que les travaux qui se réalisent dans le cadre du Pacte pour un enseignement d'excellence portent sur une organisation représentative des élèves. Les réalités sont bien sûr extrêmement différentes dans l'enseignement obligatoire et dans l'enseignement supérieur à de multiples niveaux que je ne détaillerai pas ici. Le contexte de l'école et les caractéristiques du public visé, en l'occurrence les élèves, supposent donc une réflexion spécifique et distincte de celle qui peut concerner l'enseignement supérieur.
C'est dans cette optique que les travaux tels que nous les menons se basent en réalité plutôt sur une analyse comparative des modes de représentation des élèves dans d'autres pays que sur la base du modèle développé dans l'enseignement supérieur.
Enfin, un volet du chantier porte également sur d'éventuelles perspectives pour les élèves de l'enseignement fondamental, ceux-ci ne devant pas non plus être oubliés dans ce chantier.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Madame
la Ministre, je suis contente d'apprendre que vous travaillez bien sur la
création d'une organisation représentative communautaire (ORC) dans l'enseignement
obligatoire.
Il n'y a, à l'heure actuelle, aucune autre organisation que le
Comité des élèves francophones (CEF) qui se revendique comme syndicat des
élèves.
Ce n'est toutefois pas pour autant qu'il faudrait que le décret que nous adopterons soit une photographie de la situation actuelle comme ce fut le cas en 2012 dans l'enseignement supérieur. Il faut prévoir des balises permettant à d'autres ORC de se créer. Il me paraît évident que le pluralisme ne peut pas, par définition, ne dépendre que d'un seul organe de représentation.
Vous dites que les réalités sont notamment différentes dans l'enseignement supérieur et l'enseignement secondaire. Pourtant, un simple exemple très parlant vous montrera toute l'importance de créer plusieurs ORC, en tout cas de permettre à plusieurs ORC de se créer dans le temps. J'ai discuté avec le CEF de son deuxième sondage réalisé au mois d'avril 2020 et intitulé «La fin de l'année scolaire: t'en penses quoi?». Le CEF émet des avis et des recommandations destinés aux pouvoirs publics dans le cadre des mesures à prendre concernant l'école durant la crise de la Covid‑19. D'emblée, le CEF précise en toute transparence: «Nous aurons parfois des prises de position et recommandations qui contrediront l'avis général relevé afin que les mesures les plus spécifiques soient prises pour les élèves en difficultés.»
Il ressort de ce sondage qu'un seul élève sur cinq était en faveur, en juin, d'un passage automatique à l'année supérieure dans l'enseignement secondaire. Mais le CEF affirme tout de même dans ses recommandations qui nous sont destinées qu'il faut que le passage à l'année supérieure soit automatisé. Il s'agit donc de prises de position politiques. Il s'agit en tout cas d'une idéologie, d'une prise de position, qui n'est pas partagée par tous les étudiants. La preuve en est que dans le sondage même du CEF, seul un élève sur cinq est d'accord avec la position finalement prise par le CEF.
Ce simple exemple démontre qu'un syndicat étudiant ne va pas toujours aller dans le sens de la majorité des élèves consultés, qu'il a des prises de positions plus politiques et qu'il ne pourra donc pas en lui-même être pluraliste. C'est le problème que nous rencontrons actuellement avec la FEF de l'enseignement supérieur.
J'espère donc, Madame la Ministre, que vous tiendrez compte de mes réflexions. Je ne manquerai pas de revenir vers vous à ce sujet, mais de grâce, ne commettez pas la même erreur que dans l'enseignement supérieur. Nous sommes vraiment dans la même problématique.