Question sur le décrochage scolaire
Question de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, sur la problématique du décrochage scolaire en hausse dans le contexte de crise sanitaire (suivi)
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - J'ai déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de venir vers vous, Madame la Ministre, à propos de la problématique du décrochage scolaire dans l'enseignement obligatoire, qui s'est amplifiée dans le contexte de crise sanitaire que nous vivons depuis maintenant environ un an.
Pour rappel, selon les chiffres de l'administration que vous nous avez révélés en janvier dernier, ce sont environ 17 500 élèves qui étaient signalés auprès du Service du droit à l'instruction (SDI) pour cause d'absence injustifiée au cours du premier trimestre 2020‑2021, contre environ 12 500 élèves pour le premier trimestre 2019‑2020, soit une augmentation d'environ 40 %.
Nous avons tout d'abord évoqué l'indispensable amélioration de la collaboration entre l'Administration générale de l'enseignement (AGE) et l'Administration générale de l'aide à la jeunesse (AGAJ) en matière de réinsertion scolaire. Une évaluation du décret du 21 novembre 2013 organisant des politiques conjointes de l'enseignement obligatoire et de l'aide à la jeunesse en faveur du bien-être des jeunes à l'école, de l'accrochage scolaire, de la prévention de la violence et de l'accompagnement des démarches d'orientation était d'ailleurs en cours.
Nous avons également évoqué l'avancement des travaux du chantier no 13 du Pacte pour un enseignement d'excellence relatif à la mise en œuvre du plan de lutte contre le décrochage scolaire, sur lequel vous travaillez en collaboration avec la ministre Glatigny. Comme je vous l'avais précisé, à mon sens, compte tenu du contexte actuel de crise sanitaire et de la priorité de maintenir le plus possible de jeunes accrochés à l'école, la mise en œuvre de ce chantier devrait être accélérée, comme ce fut le cas pour d'autres chantiers, comme celui relatif au numérique.
À cet égard, nous avons abordé le rôle crucial joué par les services d'accrochage scolaire (SAS) qui dépendent tant de l'AGAJ que de l'AGE et qui accueillent et aident temporairement les élèves mineurs en situation d'absentéisme ou de décrochage scolaire, sur les plans social, éducatif et pédagogique.
Le 8 décembre dernier, vous déclariez que le renforcement du rôle des SAS passerait par la révision de «leur organisation en lien avec les activités de prise en charge des élèves, le mode de collaboration avec les autres structures, le suivi des élèves qui sont passés par le SAS, les fonctions des membres du personnel ou encore le manque de places disponibles».
Vous ajoutiez, toujours concernant le chantier no 13 du Pacte, «qu'au-delà du rôle clé que jouent les SAS dans la lutte contre le décrochage et des travaux à mener pour renforcer ce rôle, la réforme visant à lutter de manière plus résolue contre le décrochage exige une concertation plus large avec la ministre et le secteur de l'aide à la jeunesse». Vous m'aviez précisé en décembre que vous prévoyiez de rencontrer prochainement votre collègue Valérie Glatigny afin d'aborder ces sujets.
Enfin, le 8 janvier dernier, la presse relayait votre décision de mettre sur pied un groupe de réflexion par rapport aux problèmes grandissants de décrochage scolaire dans le cadre de la crise sanitaire. Vous annonciez vouloir arriver rapidement à une série de propositions pour lutter contre ce phénomène, renforcer la remédiation et mettre en place une stratégie de différenciation et d'accompagnement personnalisé.
Pourriez-vous nous présenter des chiffres actualisés du nombre d'élèves en absence injustifiée depuis la rentrée de janvier 2021?
Avez-vous pu rencontrer comme prévu votre collègue la ministre Glatigny à ce sujet? Que ressort-il de vos rencontres? Est-elle associée au groupe de réflexion que vous avez mis en place début janvier?
Où en sont les réflexions de ce groupe? Quelles propositions concrètes en ressort-il pour lutter contre le phénomène grandissant de décrochage scolaire dans le contexte de la crise sanitaire?
Début février, vous permettiez une réouverture de manière cadrée des services de soutien pour lutter contre le décrochage tant scolaire que social. En commission du 25 février dernier, nous votions une proposition de décret «visant à l'octroi, en 2021, de moyens supplémentaires permettant [...] d'apporter un soutien éducatif et psycho-social renforcé aux élèves des écoles de l'enseignement secondaire ordinaire et spécialisé». D'autres mesures sont-elles prévues pour lutter contre de nouveaux décrochages scolaires, mais aussi pour raccrocher les nombreux élèves qui sont absents de manière injustifiée?
Madame la Ministre, pouvez-vous me présenter l'état d'avancement du chantier no 13 du Pacte? Une accélération de ce chantier est-elle prévue compte tenu de la crise sanitaire? Pourriez-vous me présenter un calendrier à cet égard?
Une évaluation du décret du 21 novembre 2013 a-t-elle pu être menée en collaboration avec votre collègue, la ministre Glatigny? Qu'en est-il ressorti quant aux collaborations entre les administrations concernées par la problématique du décrochage scolaire? Une révision de ce décret est-elle envisagée à la suite de cette évaluation?
Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation.- Il faut se rendre à l'évidence, les chiffres de l'absentéisme restent préoccupants et poursuivent leur croissance. En février dernier, nous comptabilisions 29 541 dossiers ouverts pour absentéisme, contre 27 079 l'année dernière au même moment.
Le mois passé, j'ai rencontré ma collègue la ministre Glatigny afin d'échanger au sujet des SAS qui relèvent de notre compétence partagée et que nous souhaitons soutenir. Nous avons également envisagé la collaboration à mettre en place par rapport à certains projets du chantier du Pacte relatifs à la lutte contre le décrochage. Il en est ressorti notamment que nous devions renforcer la collaboration de l'aide à la jeunesse et de l'enseignement pour aboutir à un résultat plus efficace et plus efficient en faveur de la lutte contre l'absentéisme et le décrochage scolaire. Nos deux administrations seront donc amenées à collaborer sur certains projets du chantier.
Au début de ce mois, nos deux cabinets et nos deux administrations ont assisté à la présentation intéressante de l'évaluation du décret intersectoriel du 21 novembre 2013 réalisée par l'Université de Mons (UMons). Dans le cadre de la réforme prévue par le Pacte et qui porte sur le renforcement de la coordination des intervenants autour des trois axes que sont la prévention, l'intervention et la compensation, une fois le décrochage avéré, il est prévu que des ajustements soient apportés à ce décret. Cette question sera précisément travaillée en collaboration avec ma collègue.
La réforme qui vise à lutter plus efficacement contre le décrochage est une réforme très complexe. Lutter contre ce phénomène, de la prévention jusqu'aux mécanismes compensatoires comme les SAS, suppose la coordination de nombreux intervenants et de plusieurs secteurs. L'agenda du chantier se précise et je ne manquerai pas de revenir vers vous, Madame la Députée, lorsqu'il sera stabilisé.
En ce qui concerne les mesures adoptées récemment, il me revient que les acteurs de terrain sont plutôt satisfaits: les renforts qui sont arrivés permettent d'intensifier le travail de soutien auprès des élèves en détresse ou en décrochage. Dans les centres psycho-médicaux-sociaux (centres PMS), le personnel complémentaire engagé exercera jusqu'en décembre, ce qui ouvre une perspective de travail à moyen terme.
Le groupe de réflexion ne s'est pas réuni de manière formelle. Plusieurs réunions et concertations ont été menées avec les acteurs de l'enseignement ou d'autres secteurs en vue de définir une série d'actions à court terme pour l'année scolaire en cours. Elles se sont traduites notamment par les moyens supplémentaires alloués aux écoles et aux centres PMS, ma communication sur les essentiels et celle qui va arriver sur les évaluations internes, ou encore par la circulaire sur les partenariats avec le monde associatif.
Les réflexions sont bien sûr amenées à se prolonger pour déterminer une stratégie en vue de l'année scolaire 2021-2022 et les dispositifs à renforcer pour contrer les effets durables de la crise sanitaire. Elles seront menées en tenant compte du projet déposé dans le cadre du plan de relance de l'Union européenne.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). - Je constate que vous prenez le dossier à bras-le-corps avec votre collègue la ministre Glatigny. Je constate que le taux d'absentéisme continue d'augmenter du fait de la crise sanitaire et donc on est bien loin de l'objectif décrétal qui vise à réduire de moitié le taux de décrochage scolaire d'ici 2030.
Outre les mesures que vous prenez dans le cadre de cette crise, une accélération du chantier no 13 du Pacte relatif au décrochage scolaire me semble nécessaire. Je note que vous aurez plus d'informations concernant l'agenda prochainement et je ne manquerai pas de suivre ce dossier avec attention. Il sera important aussi d'observer l'absentéisme et le décrochage scolaire et d'adopter de nouvelles mesures en vue de la prochaine rentrée. J'y serai également très attentive.