Question sur le monitoring annuel concernant les pôles territoriaux
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée, à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Éducation, à propos du monitoring annuel concernant les pôles territoriaux
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, le 17 juin
2021, le décret portant création des pôles territoriaux chargés de soutenir les
écoles de l'enseignement ordinaire dans la mise en œuvre des aménagements
raisonnables et de l'intégration permanente totale (décret «Pôles») a été voté.
Un des buts poursuivis est que l'enseignement spécialisé
redevienne un enseignement spécifiquement dédicacé aux besoins les plus pointus
et qu'il tende vers une inclusion maximale des élèves dans l'enseignement
ordinaire, y compris ceux qui ont des besoins spécifiques. L'objectif du Pacte
pour un enseignement d'excellence est de revenir, d'ici 2030, au pourcentage
d'élèves pris en charge par l'enseignement spécialisé en 2004.
Pour rappel, une longue phase transitoire a été prévue, de
cinq ans, pour gérer le changement entre le système actuel et le système des
pôles.
Par ailleurs, le décret «Pôles» prévoit un monitoring
annuel qui devrait permettre d'encadrer le financement du dispositif afin de
prévenir les risques de dérapage des dépenses, notamment des moyens
complémentaires dédiés à la prise en charge d'élèves qui présentent des besoins
spécifiques sensori-moteurs nécessitant un suivi particulièrement important –
remis en question par la Cour Constitutionnelle – ou encore la prise en charge
d'élèves en intégration permanente totale après réforme.
Mon groupe n'a pas manqué de saluer la création de ce
monitoring annuel, qui n'est d'ailleurs pas que budgétaire. Il porte en effet
également sur deux autres volets: d'une part, la structure, l'encadrement des
pôles et la population scolaire et, d'autre part, le parcours des élèves à
besoins spécifiques, le nombre d'élèves en protocole d'aménagement raisonnable,
le nombre d'élèves en intégration permanente totale et la part de ces élèves
maintenus ou orientés vers l'enseignement spécialisé.
En réunion de notre Commission du 4 juillet dernier, vous
avez annoncé que le premier rapport de monitoring était en cours d'élaboration
et qu'il serait finalisé pour la fin de l'été. C'est la raison pour laquelle je
reviens vers vous aujourd'hui avec un certain nombre de questions.
Avez-vous constaté, en 2022, comme en 2023, une baisse des
inscriptions dans l'enseignement spécialisé? Dans l'affirmative, de combien
d'élèves?
Le nombre d'élèves en protocole d'aménagements raisonnables dans l'enseignement ordinaire a-t-il augmenté? Qu'en est-il du nombre d'élèves en intégration permanente totale (IPT)?
Pourriez-vous refaire le point sur les formations et les
outils mis en œuvre pour que les enseignants de l'enseignement ordinaire aient
les compétences nécessaires pour prendre en charge les élèves à besoins
spécifiques et sur l'utilisation pédagogique des aménagements raisonnables en
classe? Une des grosses difficultés pointées par le terrain concerne la gestion
de nombreux élèves à besoins spécifiques dans une même classe par un enseignant
provenant de l'enseignement ordinaire et n'étant pas toujours bien formé pour
ce faire.
Quels retours du terrain recevez-vous sur le travail du
personnel pluridisciplinaire des pôles? Pour rappel, ils ont deux missions,
l'une principalement à caractère collectif, l'accompagnement des enseignants,
et l'autre à caractère individuel, l'accompagnement des élèves à besoins
spécifiques. Ces agents ont-ils réellement du temps pour exercer des missions à
caractère individuel? Il me revient du terrain qu'ils manquent de liberté et de
flexibilité. Ils doivent parfois refuser une intervention dans une école, car
ils doivent prester des heures de travail administratif ou collaboratif, qui ne
seraient pas toujours utiles, au sein du pôle. Pourquoi ne pas prévoir plus de
souplesse, plus de missions à caractère individuel que de l'administratif ou du
collectif?
Quel impact cette réforme a-t-elle sur l'emploi des
professionnels enseignants ou paramédicaux – logopèdes, kinésithérapeutes, etc.
–, qui étaient précédemment engagés dans le cadre de l'intégration? C'est aussi
une des inquiétudes du terrain, certains logopèdes ne sachant pas s'ils vont
pouvoir retrouver un emploi ailleurs. Pourriez-vous refaire le point sur les
mesures que vous avez prises pour limiter l'impact social de cette réforme? Si
certains logopèdes pourront être engagés pour des périodes d'accompagnement
personnalisé, qu'en est-il au niveau statutaire, notamment par rapport au
maintien de leur ancienneté? Qu'est-il prévu à cet égard?
Enfin, le monitoring annuel relatif à ce nouveau dispositif
est-il bien finalisé? Pourriez-vous nous en présenter les conclusions pour
chaque volet précité et nous transmettre ce document? De nouveaux ajustements
au décret «Pôles» sont-ils nécessaires à la suite de ce monitoring?
Mme Caroline Désir, Ministre de
l'Éducation. –
Madame la Députée, le monitoring annuel des pôles territoriaux n'est pas encore
complètement finalisé. Nous ne disposons pas encore de toutes les données
nécessaires à celui des trois volets prévus, notamment en raison de programmes
informatiques dont nous attendons encore la livraison. Comme c'est le premier
exercice du genre, sa méthodologie a nécessité plusieurs adaptations durant le
processus, dont certaines sont encore en finalisation.
Je peux cependant vous donner quelques chiffres. Nous
constatons une augmentation du nombre d'élèves bénéficiant d'aménagements
raisonnables, puisqu'il passe de 3802 en 2020-2021, à 8012 en 2021-2022 et à 10.331
en 2022-2023. Le nombre d'élèves en IPT dans l'ancien système, donc avant le 2
septembre 2020, est logiquement en diminution constante avec 9667 élèves en
2022-2023 dans les pôles et dans les établissements d'enseignement spécialisé,
contre 11.416 en 2020-2021 et 10.422 en 2021-2022. Les chiffres relatifs aux
IPT dans le nouveau système, après le 2 septembre 2020, font partie de ceux que
nous attendons encore.
L'Institut interréseaux de la formation professionnelle
continue (IFPC) propose quatorze formations sur la thématique des aménagements
raisonnables, de l'école inclusive, des pôles territoriaux, etc. Elles sont
accessibles, entre autres, aux membres du personnel des écoles ordinaires. Les
formations de ce type sont également disponibles dans les catalogues des
fédérations de pouvoirs organisateurs et de Wallonie-Bruxelles Enseignement
(WBE).
Les retours du terrain nous sont parvenus en partie grâce
au dispositif du cadre participatif du Pacte. Durant l'année scolaire
2022-2023, sept matinées d'échange ont été menées avec les écoles ordinaires,
et une journée a été consacrée aux coordonnateurs de pôles. Parmi les constats,
le niveau d'information des équipes éducatives s'avère variable, selon la
région, le pôle et le réseau. Certaines directions soulèvent encore beaucoup de
questions élémentaires sur le fonctionnement des pôles, et elles ont également
l'impression de ne pas toujours recevoir les mêmes informations. Des
collaborations se mettent en place à une vitesse variable, car si beaucoup
d'écoles collaborent déjà régulièrement et positivement avec leur pôle,
certaines, heureusement plus rares, nous ont expliqué n'avoir encore eu que peu
de contact avec leur pôle, voire pas du tout. C'est évidemment sur ces
dernières que nous devons focaliser notre attention. Dans la collaboration avec
leur pôle, les écoles apprécient sa disponibilité, sa réactivité et sa
flexibilité, l'existence d'une procédure claire et standardisée de demande et
de contact, la possibilité d'avoir un ou plusieurs interlocuteurs fixes, le bon
suivi administratif des dossiers des élèves, leur composition
multidisciplinaire de l'équipe du pôle, la diversité des profils, l'aide à la
rédaction des protocoles d'aménagements raisonnables, le fait que le pôle
puisse outiller correctement l'équipe pédagogique, la présence de ses membres
dans les classes au côté des enseignants ou le fait que les coordonnateurs
soient les garants du côté raisonnable des aménagements. Les rapports des
matinées d'échanges sont disponibles sur le site enseignement.be.
Concernant l'impact social, le décret du 20 juillet 2022
relatif aux pôles territoriaux chargés de soutenir les écoles de l'enseignement
ordinaire dans la mise en œuvre des aménagements raisonnables et de
l'intégration permanente totale, complémentaire au décret «Pôle», a modifié la
progressivité du financement de base des pôles territoriaux afin de permettre
une gestion plus harmonieuse du changement durant la phase transitoire. Dans le
cadre de l'accompagnement personnalisé, la fonction de logopède peut désormais
être également activée dans l'enseignement primaire ordinaire en titre requis.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je vous
remercie pour ces premiers chiffres. Vous n'avez en revanche pas répondu sur
l'éventuelle diminution des inscriptions dans l'enseignement spécialisé. Cette
information est importante, car il s'agit aussi d'un des objectifs poursuivis
par le Pacte – qui n'est pas de supprimer l'enseignement spécialisé, je le
rappelle. L'enseignement spécialisé doit être réservé aux élèves qui en ont
réellement besoin. Les instances européennes nous demandent d'ailleurs de plus
intégrer les élèves dans les écoles de l'enseignement ordinaire.
Évidemment, les défis sont nombreux pour les enseignants de
l'enseignement ordinaire, qui voient les aménagements raisonnables augmenter et
donc leur charge de travail.
Je continuerai à vous faire part des difficultés
rencontrées. Peut-être devrons-nous adapter la législation sur les pôles
territoriaux. Nous devons toujours rester attentifs aux dysfonctionnements dans
la pratique pour que cette réforme soit, in fine, un succès.