Question sur les aides aux devoirs

03/03/2020

Question orale de Mme Stéphanie Cortisse à Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation, sur la généralisation des heures d'étude dirigée, le développement d'activités de soutien scolaire et le soutien aux écoles de devoirs.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Le Président de la Ligue des Droits de l'Enfant a récemment proposé de supprimer les travaux à domicile pour les élèves de primaire et secondaire, au motif que les devoirs seraient «au pire contre-productifs, au mieux inefficaces» et que, en termes d'éducation, il devrait exister une césure nette entre l'école et le domicile. D'après lui, le domicile ne serait pas «un lieu d'apprentissage», mais bien «un lieu qui est fait pour se reposer, s'adonner à des loisirs et passer du temps en famille et même s'ennuyer».

Je suis au contraire favorable au maintien des devoirs à domicile. Je pense qu'ils responsabilisent l'élève, le rendent autonome, lui donnent le goût de l'effort et lui permettent de trouver sa propre méthode de travail en mettant en pratique, de manière individuelle, ce qui a été vu en classe. Par ailleurs, les devoirs préparent aussi l'élève aux études supérieures et à sa future carrière, où la réflexion individuelle sera tout aussi importante que le travail de groupe. Ils lui permettent enfin de prendre conscience de ses propres lacunes et de demander des explications complémentaires aux instituteurs et enseignants.

Des solutions existent toutefois pour les élèves qui ont des difficultés en effectuant ces travaux à domicile. À cet égard, nous pouvons nous féliciter de la volonté affichée par le gouvernement, dans la Déclaration de politique communautaire (DPC), de «Proposer aux élèves une heure d'étude dirigée gratuite et soutenir le développement d'activités de soutien scolaire de qualité et des écoles des devoirs au sein ou à proximité des écoles» et de «mettre en œuvre le processus d'accompagnement personnalisé des élèves afin de renforcer la maîtrise des savoirs de base et de lutter contre les inégalités, l'échec et le décrochage scolaire.».

Puisque j'ai déjà évoqué la question de l'accompagnement personnalisé lors de la réunion de commission du 15 octobre 2019, mes questions du jour porteront sur les trois autres points.

Tout d'abord, la DPC prévoit de généraliser l'heure d'étude dirigée gratuite pour les élèves qui le souhaiteraient.

Deuxièmement, la résolution 744, adoptée le 5 février 2019 par le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l'initiative du MR, qui a été suivi par le PS et le cdH, visait à créer un service d'aide aux devoirs et de soutien scolaire par téléphone et Internet pour les élèves de primaire et secondaire. Cette résolution s'inspire de l'organisme québécois Alloprof qui propose gratuitement de l'aide aux devoirs depuis 1996. C'est un service qui fonctionne apparemment très bien au Québec. Notre résolution précisait que l'avancement du projet serait présenté au terme de l'année scolaire 2019-2020.

Enfin, bien que 346 écoles de devoirs soient reconnues par l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE), l'Observatoire de l'enfance, de la jeunesse et de l'aide à la jeunesse (OEJAJ) estimait en 2017 que 70% d'entre elles avaient une liste d'attente et que seulement 40% d'entre elles étaient gratuites.

Madame la Ministre, un calendrier relatif à la proposition d'instauration d'une heure d'étude dirigée gratuite pour les élèves qui en ont besoin a-t-il été établi? Si oui, pouvez-vous nous le présenter?

Le gouvernement a-t-il l'intention de développer le soutien scolaire grâce à la création d'un service semblable à Alloprof? Si oui, pouvez-vous nous présenter l'état d'avancement de ce projet?

Enfin, le gouvernement a-t-il l'intention d'augmenter le nombre d'écoles de devoirs et/ou d'accorder des aides financières au secteur afin de rendre les écoles de devoirs existantes plus accessibles?

Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation.- Mesdames les Députées, le travail scolaire à domicile a déjà fait couler beaucoup d'encre. Cette thématique retient toute mon attention.

De nombreux points importants sont évoqués dans vos questions.

Madame Sobry, je suis d'accord avec vous, les devoirs constituent un moyen pour certains parents de suivre la scolarité de leurs enfants, de jauger leur évolution et de créer un lien avec l'école. Il n'en reste pas moins, parce que les devoirs se déroulent à la maison grâce à l'aide d'un parent, ou avec un tiers, qu'ils entraînent et renforcent les inégalités. Les parents ne sont pas tous armés de la même manière pour répondre aux exigences scolaires. Tous les enfants ne bénéficient pas de meilleures conditions de travail et tous les parents n'ont pas la disponibilité, la formation, la patience, la connaissance de la langue, parfois nécessaires pour encadrer leurs enfants après l'école. L'externalisation pédagogique vers la sphère familiale, et à plus forte raison vers la sphère privée, renforce les inégalités et a tendance à faire porter la responsabilité de l'échec de l'enfant sur lui-même et sur ses parents. Les enfants dont les parents maîtrisent les codes scolaires sont avantagés. Depuis le décret du 29 mars 2001 visant à réguler les travaux à domicile dans l'enseignement fondamental, la durée, le contenu et l'évaluation des devoirs à domicile dans l'enseignement primaire sont régulés. Ainsi, en première et deuxième années, l'enseignant ne peut pas donner de devoirs aux élèves. Il peut cependant leur demander de lire, de présenter à leur famille ce qui a été réalisé pendant le temps scolaire. En troisième et quatrième années, la durée des devoirs à domicile, s'ils sont organisés, car ils ne sont pas obligatoires, est limitée à vingt minutes par jour. En cinquième et sixième années, ils doivent être terminés en trente minutes. Ce texte reste une belle avancée dans le balisage des travaux scolaires à la maison, mais nous constatons malheureusement que ces règles ne sont pas toujours appliquées, pour toute une série de raisons, pertinentes ou non. Les respecter représenterait pourtant une plus-value certaine pour les élèves.

Madame Chabbert, la question du travail à domicile est en effet liée avec le rythme scolaire quotidien qui est à l'étude. Néanmoins, l'instauration d'un dispositif organisationnel de remédiation, de consolidation et de dépassement, qui s'inscrit dans le traitement de la diversité et qui permettra la différenciation dans une même classe, basée sur le rythme d'apprentissage, est dorénavant sur les rails. L'accompagnement personnalisé, tel que défini dans le Code de l'Enseignement, visera, dès la rentrée de septembre 2021, à mieux accompagner les élèves de première et deuxième années primaires dans leurs apprentissages. Comme la DPC le prévoit, et comme vous le soulignez, une heure d'étude dirigée devra également être instaurée par un projet qui est encore dans ses premiers développements. Cette initiative viendra en appui du dispositif d'accompagnement personnalisé et démarrera dans les écoles à encadrement différencié pour les plus jeunes élèves, dès les troisième et quatrième années primaires. Nous devons aussi nous calquer sur la réglementation des devoirs. Il ne serait pas logique de commencer ce projet en première et deuxième années primaires, puisque les devoirs y sont interdits. Nos choix seront aussi liés au budget, l'organisation de ces projets ayant un coût. Les modalités d'organisation et de phasage de ce projet sont en pleine élaboration. Dès que je pourrai vous en dire plus, je traiterai à nouveau le sujet.

Madame Cortisse, le développement du programme dynamique Alloprof proposant de l'aide aux devoirs par le recours aux nouvelles technologies devrait se réaliser en cohérence avec les mesures que je viens de citer, l'organisation de l'accompagnement personnalisé et l'heure d'étude dirigée, en se focalisant sur les mêmes objectifs, le soutien scolaire externe à la famille. Le processus systémique du Pacte pour un enseignement d'excellence nous amène à nous concentrer sur une trajectoire et des objectifs priorisés. Des priorités budgétaires existent également. Néanmoins, je connais bien ce projet que j'ai découvert avec Mme Bertieaux lors d'une mission de la Commission mixte permanente Québec-Wallonie-Bruxelles. J'ai pu m'entretenir avec les équipes: ce projet rencontre un succès quasiment généralisé au Québec. Pour les écoles de devoirs, je vous invite à interpeller la ministre Linard, chargée de cette compétence.

Mme Stéphanie Cortisse (MR).- Madame la Ministre, je vous remercie pour vos réponses et pour les nombreux projets lancés pour aider les élèves qui éprouvent des difficultés à faire leurs travaux à domicile. À mon sens, ce n'est pas en supprimant les devoirs que le Pacte pour un enseignement d'excellence portera bien son nom. Les conditions légales me semblent suffisantes et elles doivent être rappelées aux écoles qui ne les respectent pas toujours. La législation précise clairement, et à juste titre, que les travaux à domicile servent à l'apprentissage, à la gestion du temps et de l'autonomie, à l'acquisition progressive d'une méthode de travail personnelle efficace ainsi qu'à l'acquisition du sens des responsabilités. C'est clairement prévu dans le décret «Missions». Je le répète, la législation est suffisante, mais elle doit être appliquée.