Question sur les écoles du tronc commun
Question orale de Mme Stéphanie Cortisse, Députée (MR), à Mme Caroline Désir, Ministre de l'Education, à propos des écoles du tronc commun
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, figurait à l'ordre du jour du gouvernement de ce 29 juin l'adoption d'une note d'orientation relative aux écoles du tronc commun. Il s'agirait d'écoles qui organiseraient les années allant de la première année de l'enseignement maternel à la troisième année de l'enseignement secondaire dans une continuité pédagogique renforcée. Vous avez annoncé travailler à l'identification des obstacles statutaires, organisationnels, réglementaires, légaux, mais aussi des difficultés liées aux moyens de fonctionnement, aux calculs de l'encadrement et au décret du 3 avril 2009 relatif à la régulation des inscriptions des élèves dans le premier degré de l'enseignement secondaire (décret «Inscriptions»), qui pourraient gêner ce processus – qu'il s'agisse de créer des écoles du tronc commun ou d'établir des partenariats pédagogiques entre écoles du même réseau ou non.
Pourriez-vous nous présenter les lignes directrices de cette note d'orientation? Quels obstacles statutaires, organisationnels, réglementaires et légaux avez-vous relevés? Comment les résoudre? Quelles mesures proposez-vous pour permettre et encourager la création d'écoles du tronc commun, mais aussi l'établissement de partenariats pédagogiques entre écoles de réseaux différents? Dans quels délais? Une réflexion a-t-elle été menée pour les écoles qui deviendraient uniquement des écoles de l'après tronc commun?
En quoi consiste le projet pilote mentionné dans la note d'orientation? Combien d'écoles cible-t-il? Tous les réseaux sont-ils concernés? Avez-vous bien inclus les degrés d'observation autonome (DOA) dans vos réflexions? Que ressort-il de votre rencontre du début juin avec leurs représentants? Quelles solutions ressortent de ces réunions pour ces écoles qui n'organisent à l'heure actuelle que les première et deuxième années de l'enseignement secondaire? Ce dossier est plus urgent puisque le nouveau tronc commun allongé commencera déjà en 2026 dans l'enseignement secondaire.
Mme Caroline Désir, ministre de l'Éducation. – Le 6 juillet dernier, le gouvernement a pris acte de la note d'orientation présentée en Comité de concertation début juin. Cette note aborde les écoles de tronc commun par la séparation physique des degrés inférieur et supérieur de l'enseignement secondaire. L'avis n° 3 du Pacte pour un enseignement d'excellence envisage en effet cette solution pour lutter contre le phénomène de pré-orientation observé dans les établissements étiquetés par la spécialisation de leur filière ultérieure.
Les travaux relatifs au post-tronc commun sont également susceptibles d'éclairer ces réflexions, notamment sur la localisation et les modalités pratiques d'organisation des filières de qualification et de transition. Dans l'immédiat, la note d'orientation analyse trois thématiques: la séparation du degré inférieur et du degré supérieur de l'enseignement secondaire par la création, la scission ou la restructuration des établissements; l'accompagnement des DOA dans leur transition vers les écoles de degré inférieur de l'enseignement secondaire et celui des écoles organisant les deuxième et troisième degrés de l'enseignement secondaire dans leur transition vers des écoles de degré supérieur; le lancement d'un projet pilote anticipant le déploiement complet du tronc commun en 2028-2029 lors de son arrivée en troisième année de l'enseignement secondaire.
Lors de travaux menés conjointement par les différents services de l'administration, le cas de figure d'une école transniveau organisant toutes les années du tronc commun s'est vite avéré problématique au regard du décret «Inscriptions». Or il n'est pas prévu sous cette législature de revoir une nouvelle fois ce décret pour permettre aux élèves d'être automatiquement inscrits dans l'école de degré inférieur de l'enseignement secondaire partenaire de leur école fondamentale.
D'autres obstacles de nature statutaire et organisationnelle font l'objet de pistes de travail concrètes que le cadre expérimental envisagé permettra d'approfondir. L'objectif du projet pilote est de permettre d'éprouver directement sur le terrain, auprès d'établissements volontaires et précurseurs, toute une série de solutions relatives à l'organisation pédagogique, administrative et infrastructurelle du tronc commun. Un premier appel à participation sera lancé au premier trimestre de l'année scolaire 2023-2024 dès qu'un avant-projet de décret y afférant aura été adopté en première lecture. Un second appel pourra être lancé en 2024-2025.
Le déploiement du tronc commun jusqu'à la troisième année de l'enseignement secondaire dans les écoles participantes pourra quant à lui s'étaler sur un, deux ou trois ans, entre les années scolaires 2024-2025 et 2026-2027. Le projet pilote prendra fin dès l'année scolaire 2028-2029. Il n'y aura pas de procédure de sélection. Tous les projets répondant aux critères d'éligibilité pourront accéder au cadre expérimental. Un délai très long sera laissé pour l'introduction des projets afin que chaque pouvoir organisateur candidat puisse construire son dossier sereinement.
Sans préfigurer de tous les paramètres inscrits dans l'avant-projet de décret et ensuite soumis à la concertation des acteurs, et sous réserve de leur parcours d'adoption par le gouvernement puis par le Parlement, je peux déjà vous donner une série d'indications sur les contours du dispositif tels qu'ils ont été validés par le gouvernement.
D'abord, comme critère d'éligibilité sur un plan opérationnel, les projets participants devront impliquer au moins un établissement autonome n'organisant que le degré inférieur de l'enseignement secondaire. Ils devront également expérimenter de manière anticipée l'organisation d'une troisième année de l'enseignement secondaire commune qui revêtirait provisoirement le statut d'une troisième année de l'enseignement technique de transition pour permettre aux élèves de s'orienter vers la filière de leur choix dans le degré supérieur.
Ensuite, sur le plan pédagogique, les établissements participants devront s'engager à organiser une partie du nouveau tronc commun, en particulier dans ses dimensions orientantes et polytechniques, et adapter en conséquence les grilles horaires du degré inférieur de l'enseignement secondaire. Ils devront également se fonder sur les anciens socles de compétences pour les matières couvertes par le certificat d'études du premier degré de l'enseignement secondaire (CE1D) afin de ne pas pénaliser les élèves concernés. Ils devront en outre utiliser totalement ou partiellement les nouveaux référentiels pour les disciplines plus novatrices et non couvertes par le CE1D, comme l'éducation culturelle et artistique (ECA) ou la formation manuelle, technique, technologique et numérique (FMTTN).
Le quatrième élément est la mise en œuvre d'un rapprochement avec au moins une école de l'enseignement fondamental sous la forme d'échanges ou de partenariats. En revanche, il est acquis que le projet pilote ne s'accompagnera pas de la mise en œuvre anticipée de l'accompagnement personnalisé, toujours en cours de modélisation, ni de la mise en œuvre anticipée des nouvelles procédures de maintien exceptionnel, parce que nous risquerions d'entraîner une inégalité de traitement entre les élèves.
Enfin, puisque le fait de mener une réorganisation de l'offre d'enseignement en préfigurant l'arrivée du tronc commun expose les pouvoirs organisateurs participants au risque de perdre des moyens, des mesures d'accompagnement temporaire seront mises en œuvre. Elles doivent également permettre de ne pas dissuader le lancement de projets expérimentaux. Ces mesures d'accompagnement s'inspirent des réflexions organisationnelles et statutaires en cours, sans pour autant préfigurer de manière figée et définitive le régime structurel qui sera applicable à terme.
Ainsi, pour ce qui est des normes de création et de maintien, une norme de création pour les écoles de degré inférieur et les écoles du degré supérieur de l'enseignement secondaire sera définie entre 330 élèves, ou 110 par année d'étude en cas d'ouverture progressive, et la norme actuelle de 340 élèves. La norme de maintien sera maintenue à 300 élèves, mais elle ne deviendra contraignante qu'à partir de l'année scolaire 2028-2029. Une immunité contre les fermetures sera octroyée dans cet intervalle pour les écoles de degré inférieur et les écoles de degré supérieur de l'enseignement secondaire participantes.
En ce qui concerne les normes d'encadrement, différentes règles de calcul seront appliquées pour le nombre total de périodes professeurs (NTPP) et le personnel non chargé de cours, en envisageant différents cas de figure, comme la création d'une école de degré inférieur ou d'une école de degré supérieur de l'enseignement secondaire, la transition d'un DOA vers une école de degré inférieur, ou la transition d'une école du deuxième degré ou du troisième degré de l'enseignement secondaire vers une école de degré supérieur. En cas de restructuration, une préservation dégressive des moyens sera garantie pendant les six ans suivant la restructuration.
Un avant-projet de décret devra donc être adopté en première lecture par le gouvernement d'ici à l'automne prochain. Il portera principalement sur l'expérience pilote, mais je n'exclus pas d'y intégrer d'autres mesures structurelles, notamment pour permettre aux DOA d'anticiper leur transition vers des écoles de degré inférieur de l'enseignement secondaire à l'horizon 2028-2029. Plusieurs pistes ont été évoquées au Comité de concertation, dont la possibilité d'accueillir la troisième année de l'enseignement secondaire dans un autre bâtiment durant une période limitée. Une autre hypothèse consiste à réduire temporairement le nombre d'inscriptions pour permettre d'absorber progressivement la nouvelle vague d'élèves générée par l'accueil d'une année d'études supplémentaire. Voilà, en détail, le cadre de travail tracé par le gouvernement. Les réflexions sur les écoles du tronc commun se poursuivront bien sûr avec les acteurs institutionnels de l'enseignement et avec des représentants des directions des DOA.
Mme Stéphanie Cortisse (MR). – Madame la Ministre, je
ne manquerai pas de relire votre réponse très détaillée et technique, afin
de bien comprendre les mesures proposées. Mes visites de terrain m'ont fait
prendre conscience du fait que la création d'écoles du tronc commun inquiète
certains pouvoirs organisateurs, notamment les communes, qui n'ont que des
écoles fondamentales. Il faut veiller à ce que ces écoles ne soient pas
défavorisées par ces mesures. L'idéal serait de soutenir l'établissement de
partenariats interréseaux. Je reviendrai sur cet aspect, ainsi que, plus
généralement, sur le projet pilote que vous mettez en place.